Moteurs électriques sans terres rares : l’innovation qui révolutionne l’industrie automobile

La dépendance aux terres rares constitue un défi majeur pour la transition énergétique. Face à cette problématique, des solutions innovantes émergent pour réduire l’utilisation de ces matériaux stratégiques dans les moteurs électriques, tout en maintenant des performances optimales. Une avancée qui pourrait transformer l’industrie automobile et renforcer l’autonomie technologique européenne.

Les terres rares : un enjeu géostratégique pour l’industrie automobile

Les terres rares sont devenues indispensables à la fabrication des véhicules électriques modernes. Plus de 95% des constructeurs utilisent actuellement des moteurs synchrones à aimants permanents dans leurs chaînes de traction électrique. Ces aimants contiennent des terres rares dont le prix ne cesse d’augmenter, créant une dépendance problématique envers certains pays producteurs.

La Chine détient un quasi-monopole sur le marché mondial des terres rares, contrôlant environ 95% de la production. Cette situation place les constructeurs automobiles européens dans une position vulnérable, tant sur le plan économique que stratégique. L’extraction de ces matériaux pose également d’importants problèmes environnementaux. Selon une étude de Harvard, la production des aimants nécessaires à un seul véhicule électrique génère jusqu’à trois tonnes de déchets toxiques.

Un coût environnemental souvent ignoré

La transition vers les véhicules électriques, présentée comme une solution idéale pour le climat, cache une réalité plus nuancée. Le journaliste Guillaume Pitron, auteur de « La Guerre des métaux rares », affirme que « sur l’ensemble de son cycle de vie, un véhicule électrique génère presque autant de carbone qu’un diesel ». Cette affirmation provocante souligne le paradoxe d’une transition énergétique qui délocalise la pollution plutôt que de la supprimer.

L’extraction des terres rares en Mongolie intérieure, principale région minière chinoise, crée des zones de pollution intense où les usines rejettent leurs effluents toxiques directement dans les sols, provoquant des taux de cancer anormalement élevés parmi la population locale.

Des alternatives prometteuses aux terres rares

Face à ces défis, plusieurs constructeurs automobiles développent des technologies alternatives. BMW, Audi, Renault et d’autres fabriquent déjà des moteurs électriques sans utiliser d’aimants permanents contenant des terres rares.

Parmi les solutions émergentes, on distingue plusieurs technologies :

  • Les moteurs synchrones à réluctance variable – proposés dans le cadre du projet européen VEHICLE
  • Les moteurs asynchrones – déjà utilisés par certains constructeurs
  • Les moteurs synchrones à excitation bobinée – adoptés notamment par Renault pour sa Zoé
  • Les moteurs synchrones à double excitation – combinant aimants et électro-aimants

L’INSA Strasbourg, impliqué dans le projet européen VEHICLE, travaille spécifiquement sur les moteurs synchrones à réluctance variable. Cette technologie, robuste et sans aimants, souffre actuellement de deux inconvénients : une ondulation de couple relativement élevée et un bruit acoustique important. Pour y remédier, les chercheurs développent des algorithmes de contrôle avancés qui pourraient faire de ce moteur une alternative viable aux moteurs à aimants permanents.

La technologie DMD : une solution innovante

L’entreprise américaine Tula a développé une approche particulièrement innovante avec sa technologie Dynamic Motor Drive (DMD). Cette solution s’inspire du principe de désactivation des cylindres des moteurs thermiques, mais appliqué aux moteurs électriques.

Le procédé est ingénieux : le moteur électrique est désactivé pendant la moitié du temps, puis reçoit des impulsions de forte charge pendant l’autre moitié. Des algorithmes sophistiqués orchestrent ce fonctionnement alternatif, permettant d’atteindre des performances supérieures à celles des moteurs à aimants permanents traditionnels.

Les tests réalisés sur une Chevrolet Bolt ont déjà démontré l’efficacité du système. L’entreprise développe actuellement un moteur adapté pour la Tesla Model 3. Les premiers utilisateurs affirment que les impulsions et coupures du moteur sont totalement imperceptibles pour le conducteur.

Une nouvelle ère pour l’industrie automobile européenne

La réduction de la dépendance aux terres rares représente un enjeu stratégique majeur pour l’Europe. Plusieurs constructeurs français ont pris les devants dans cette course à l’innovation. Renault et Valeo Siemens eAutomotive ont développé des moteurs synchrones à excitation électrique totalement dépourvus d’aimants, qui devraient équiper les véhicules de la marque dès 2027.

Ces avancées technologiques offrent de multiples avantages :

  • Une réduction de la dépendance géostratégique envers la Chine
  • Une diminution de l’impact environnemental lié à l’extraction des terres rares
  • Une meilleure maîtrise des coûts face à la volatilité des prix des matières premières
  • Un gain d’efficacité énergétique estimé à 2-3%, qui pourrait générer des économies d’énergie équivalentes à la production de cinq centrales électriques au charbon à l’horizon 2030

Vers une économie circulaire des matériaux

Au-delà du développement de moteurs sans terres rares, l’industrie travaille également sur le recyclage de ces matériaux. Des chercheurs du KTH Royal Institute of Technology à Stockholm ont développé un outil d’aide à la décision permettant de concevoir des pièces de moteur électrique facilement réutilisables ou recyclables.

Leurs simulations montrent que 80% de l’acier électrique dans les moteurs pourrait être réutilisé ou refabriqué, tandis que 60% des aimants pourraient avoir une seconde vie. Ces pratiques circulaires pourraient satisfaire jusqu’à 70% de la demande future en néodyme d’ici 2050, tout en réduisant l’empreinte carbone de près de 40%.

Un changement de paradigme nécessaire

La transition vers des véhicules véritablement durables nécessite un changement profond dans notre approche de la mobilité. Comme le souligne un expert du secteur, « le discours général ne devrait pas être ‘il faut passer à l’électrique’, il faut commencer par moins se déplacer, ensuite le faire en transports collectifs, avoir moins de voitures, en dernier recours avoir un véhicule mais le plus petit possible, le partager, et enfin pour ce véhicule le choisir électrique lorsque c’est possible. »

Les innovations dans le domaine des moteurs électriques sans terres rares s’inscrivent dans cette vision plus large d’une mobilité repensée. Elles nous rappellent que la transition énergétique ne peut se limiter à remplacer des technologies polluantes par d’autres qui déplacent simplement le problème.

Les moteurs électriques sans terres rares représentent donc bien plus qu’une simple avancée technologique : ils incarnent la possibilité d’une industrie automobile plus autonome, plus responsable et réellement engagée dans la lutte contre le changement climatique.