Les supernovas pourraient être les accélérateurs de particules les plus puissants de l’univers, dépassant largement les capacités du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Une nouvelle étude révèle le mécanisme qui permettrait à ces explosions stellaires d’atteindre des énergies phénoménales, mais sous certaines conditions très spécifiques.
Des rayons cosmiques d’une puissance inégalée
Depuis près d’un siècle, les astronomes détectent des particules de haute énergie provenant des confins de l’univers. Ces rayons cosmiques, principalement composés de protons et parfois de noyaux d’éléments plus lourds, traversent l’espace pour atteindre notre planète. La plupart sont déviés par le champ magnétique terrestre ou absorbés dans la haute atmosphère, mais certains parviennent jusqu’à la surface. Fait étonnant : environ une fois par seconde, un rayon cosmique frappe votre corps.
Ces rayons cosmiques présentent une large gamme d’énergies, les plus puissants dépassant un péta-électronvolt (PeV). Pour vous donner une idée, cela représente un quadrillion d’électronvolts, soit jusqu’à mille fois plus que les énergies de collision du Grand collisionneur de hadrons, pourtant considéré comme l’accélérateur de particules le plus puissant jamais construit par l’homme.
Les supernovas comme accélérateurs cosmiques
Les astronomes soupçonnent depuis longtemps que la mort explosive d’étoiles massives pourrait être responsable de ces rayons cosmiques extrêmement puissants. Les supernovas semblent réunir toutes les conditions nécessaires :
- Une détonation libérant une énergie colossale
- Un flot de particules élémentaires
- Des champs magnétiques capables d’accélérer ces particules avant de les libérer dans le cosmos
Mais un problème persistait : les observations de restes de supernovas proches, comme Tycho et Cassiopée A, n’ont pas confirmé ces attentes. Les rayons cosmiques provenant de ces sources sont bien plus faibles que prévu.
La clé du mystère : un nuage de gaz dense
Une étude récente, acceptée pour publication dans la revue Astronomy & Astrophysics, semble avoir résolu cette énigme. Les chercheurs ont découvert que pour devenir des « PéVatrons » – c’est-à-dire des explosions capables de générer des rayons cosmiques atteignant le PeV – les supernovas doivent remplir des conditions particulières.
Avant d’exploser, l’étoile doit perdre une quantité significative de masse – au moins l’équivalent de deux masses solaires. Ce phénomène est relativement courant, car les vents stellaires puissants peuvent arracher les couches externes de l’atmosphère d’une étoile avant l’explosion principale. Mais le point crucial est que cette matière ne doit pas se disperser trop largement. Elle doit rester dense, compacte et proche de l’étoile.
Un mécanisme d’accélération extrême mais éphémère
Lorsque la supernova se produit enfin, l’onde de choc de l’étoile qui explose percute cette coquille de matière. C’est là que la magie opère. À mesure que l’onde traverse la coquille environnante, les champs magnétiques s’intensifient jusqu’à atteindre des énergies incroyablement puissantes. Ces champs magnétiques capturent les particules subatomiques présentes dans la coquille et les accélèrent, les faisant rebondir d’avant en arrière dans l’onde de choc.
À chaque rebond, la particule gagne en énergie. Finalement, elle accumule suffisamment d’énergie pour s’échapper de ce chaos et se propager dans l’univers.
Mais cette phase ne dure pas. Au bout de quelques mois, le système perd de sa puissance à mesure que l’onde de choc ralentit. Il continue à produire d’abondants rayons cosmiques, mais plus au-dessus du seuil du PeV.
Pourquoi n’avons-nous jamais observé directement ces phénomènes?
Ce scénario explique pourquoi nous n’avons jamais observé directement de PéVatrons en action. Même si une supernova se produit dans la Voie lactée tous les quelques années, aucune n’a été suffisamment proche à l’époque moderne pour que nous puissions observer la courte fenêtre pendant laquelle elles peuvent accélérer les rayons cosmiques à ces énergies extrêmes.
- La fenêtre d’observation est très courte (quelques mois)
- Le phénomène nécessite des conditions initiales très spécifiques
Cette découverte nous aide à mieux comprendre l’origine des rayons cosmiques les plus énergétiques de l’univers, et nous montre que les accélérateurs de particules les plus puissants ne sont pas sur Terre, mais dans les étoiles mourantes de notre galaxie. Comparé aux supernovas, notre Grand collisionneur de hadrons fait presque figure de jouet d’enfant – une pensée à la fois humiliante et fascinante sur notre place dans le cosmos.