À 120 mètres sous la mer, voici le tunnel le plus profond au monde qui brise tous les records et fait gagner une demi-journée aux conducteurs

Un tunnel sous-marin de 26,7 km de long, capable de faire gagner 10 heures de trajet aux automobilistes ? C’est un pari fou et coûteux dans lequel s’est lancé un pays européen il y a près de dix ans. Et cela n’a rien à voir avec la Boring Company d’Elon Musk !

La Norvège face au défi de ses fjords

Il existe des pays plats et étendus avec des lignes droites à perte de vue, où conduire est simple mais monotone. Et puis il y a ceux qui sont morcelés en îles, où se déplacer en voiture relève plus du parcours d’obstacles que de la promenade tranquille. La Norvège, située au nord de l’Europe, fait partie de cette seconde catégorie avec son territoire découpé par de nombreux fjords.

Résultat : traverser le pays est une aventure qui peut s’éterniser. Pour certains trajets, il faut emprunter des ferries, un moyen de transport efficace mais lent. Face à cette réalité géographique contraignante, les Norvégiens ont décidé de s’attaquer au problème de front avec une solution aussi ambitieuse qu’impressionnante.

Le projet Rogfast : diviser par deux le temps de traversée du pays

En 2018, le pays s’est lancé dans un projet unique par sa taille, son coût et ses ambitions. Il s’agit du projet Rogfast, pour Rogaland fastforbindelse, ou « liaison fixe de Rogaland ». Ce chantier titanesque prévoit la construction d’un tunnel sous-marin de 26,7 kilomètres de long plongeant jusqu’à 390 mètres sous le niveau de la mer, capable de relier les districts de Randaberg et Bokn en environ 40 minutes. Fait remarquable : deux ronds-points seront également intégrés dans le tunnel, à quelque 260 mètres sous le niveau de la mer.

La carte du tracé donne une idée de l’ampleur du projet. Aujourd’hui, la seule alternative est de prendre un ferry pour effectuer la traversée, ce qui prend considérablement plus de temps. Pour mieux comprendre le gain de temps que permettra Rogfast, il faut savoir qu’il faut actuellement environ 21 heures pour traverser la Norvège du nord au sud, avec 7 trajets en ferry. Avec le tunnel, ce temps sera réduit à environ dix heures, sans jamais quitter la route.

Un chantier aux dimensions hors normes

Les défis techniques sont à la hauteur de l’ambition :

  • Creuser à près de 400 mètres sous le niveau de la mer
  • Assurer la ventilation sur près de 27 kilomètres
  • Garantir la sécurité des automobilistes dans cette artère souterraine
  • Gérer l’évacuation des millions de tonnes de roches extraites

Le tunnel sera doté de deux tubes parallèles, chacun comportant deux voies de circulation, ainsi que des galeries d’évacuation régulières pour garantir la sécurité des usagers. La pente maximale sera limitée à 5% pour faciliter la circulation des poids lourds.

Un investissement colossal aux multiples bénéfices

Le coût total du projet est estimé à 25 milliards de couronnes norvégiennes, soit environ 2,2 milliards d’euros. C’est une somme colossale, mais le gouvernement norvégien y voit une alternative bien moins onéreuse que la construction d’un pont. Qui plus est, le pays estime que cette installation aura aussi de nombreuses retombées pour l’économie des différentes régions, que ce soit en termes de production – de fruits de mer, notamment – ou de tourisme.

Un modèle économique innovant

Comment financer un tel projet ? La Norvège a opté pour un système mixte :

  • Un financement public majoritaire
  • Un système de péage qui permettra de rembourser une partie de l’investissement
  • Des subventions européennes pour ce projet d’infrastructure majeur

La mise en service est prévue pour 2033, et les projections de trafic routier laissent penser que 13 000 véhicules pourraient emprunter le tunnel d’ici 2053. Cerise sur le gâteau, Rogfast deviendra le tunnel sous-marin le plus long du monde, devant le tunnel de Laerdal, qui fait 24 km de long et se trouve… en Norvège !

Avec ce projet pharaonique, la Norvège confirme son expertise dans la construction d’infrastructures adaptées à sa géographie complexe. Pour un pays dont l’économie repose en grande partie sur les hydrocarbures, c’est aussi une manière de préparer l’avenir en facilitant les déplacements et en stimulant l’économie locale. Les automobilistes norvégiens peuvent déjà rêver à ces trajets du futur, plus rapides et sans attentes interminables pour embarquer sur un ferry.